C’est un jeu d’enfants désuet et naïf qui ne se pratique plus et que l’on ne rencontre guère que dans les brocantes et vide-greniers, et pourtant….
La première apparition littéraire du mot est relevée en 1534 chez Rabelais, qui, parmi les multiples jeux de Gargantua cite celui de « bille boucquet ».
La bille étant une petite boule, et boucquer signifiait alors frapper en encornant.
L’origine du mot semble donc évidente…mais le mot boquet désignait aussi un petit morceau de bois. Il désignait encore le fer de lance, ainsi que l’extrémité métallique des drapeaux, figurant sur les blasons? Querelle bien connue de linguistes.
Le bilboquet est composé de deux parties principales: un bâton de bois comportant une petite écuelle de réception, avec ou sans bocquet, et une boule de bois ou d’ivoire, percée ou non, selon qu’on la reçoit sur l’écuelle ou sur le bocquet. Une cordelette reliera les deux parties pour éviter de passer l’essentiel du jeu à récupérer la boule! Ce jouet que l’on rencontrait à la cour, deviendra un instrument de luxe, puisque la noblesse s’offrira des bilboquets d’os, d’ivoire, de bois précieux enrichis d’incrustations d’or et d’argent, et sculptés de mille manières.
Immanquablement le nom de Bilboquet évoquera la cour d’Henri III, ce fils de Catherine de Médicis, et son aréopage de « mignons » poudrés et bijoutés, qui s’adonnaient avec passion à ce jeu d’adresse. Pierre de l’Estoile, chroniqueur de la vie d’Henri III écrira: « Le roi commença à porter un bilboquet à la main, même allant dans les rues et s’en jouait comme font les petits enfants. Et à son imitation les ducs d’Esparnon et de Joieuse s’en accommodaient comme les gentilshommes, les pages et les courtisans ». Le caprice du souverain en fit l’engouement de tous. Comme l’imaginera Marivaux, la fureur de jouer part d’un homme et s’étend à tout un peuple.
C’est un principe fondateur de la monarchie que de voir la cour imiter son roi, puis le peuple parisien imiter la cour, et enfin la province imiter la cour.
Les opposant à Henri III feront de lui un roi aux mœurs dissolues, entouré de ses mignons folâtres, jouant au Bilboquet…devinez le symbole….mais ils oublient de dire que l’usage d’avoir des favoris remonte à Philippe le Bel, et que si Henri III délaisse sa femme, il aura de nombreuses conquêtes féminines: Louise de la Béraudière, Renée de Rieux et surtout Marie de Clèves, mariée au prince de Condé.
Ce brave Henri III finira sa vie à l’image de ce jeu qu’il a tant aimé, puisqu’il se fera embrocher (bouquer), sur le poignard du moine Jacques Clément…tel le bilboquet
Le bilboquet est un des premiers jeux de cour. Suivront le jeu de paume et le billard, mais il connaîtra un regain d’activité sous Louis XV dans les années 1770.
Autre petite histoire, c’est celle de l’œuvre de Marivaux « Le Bilboquet » qui est un livre de jeunesse (1714). Il y développe une satire des loisirs royaux, qu’il juge sévèrement.
Jusqu’alors inconnu de tous il est apparu pour la première fois en 1938. Tellement méconnu, qu’il ne fait pas partie de la grande édition des œuvres de Marivaux, publiée en 1825.
Un deuxième exemplaire sera retrouvé 35 ans plus tard, en 1972, dans les archives de la Bibliothèque Nationale de Paris.
Le troisième et dernier exemplaire connu a été acheté en 1984 chez un libraire de Philadelphie !